RESPECT A CLAUDE CHABROL !

« Ce qui m’intéressait avant chez les bourgeois, c’est qu’ils se fabriquaient des problèmes de cul car ils n’avaient pas de problèmes de fric. Aujourd’hui, ils ne pensent plus qu’au fric. »

De Claude Chabrol

Collection Christophe L.

Entamée par François Truffaut dans sa tribune « ‘Une certaine tendance du cinéma français »’ où il qualifie les cinéastes en place de “truqueurs”, d’’“imposteurs” et de “salauds”, la contestation violente de la qualité française du cinéma a donné bien des chefs d’’oeuvre. Baptisée « Nouvelle Vague », cette contestation lance ses premières piques derrière la caméra, à travers Claude Chabrol justement, avec la sortie en 1958 du Beau Serge. Mais déjà le 3 octobre 1957, sous la plume de Françoise Giroud, apparaît pour la première fois le terme ‘Nouvelle Vague’. La journaliste de L’’Express expose les résultats d’une grande enquête sur la jeunesse réalisée au cours de l’été. Elle décrit les Français de demain, leurs goûts, leurs rêves, leurs attentes, en remarquant qu’’un vent de changement souffle sur la France. C’’est en réalité Pierre Billard qui associe le terme Nouvelle Vague au cinéma dans la revue Ciné 58.

Une équipe de très jeunes réalisateurs nommés Godard, Truffaut, Resnais, Rivette, Rohmer, Chabrol, critiques aux Cahiers du cinéma, ont décidé de déclarer la guerre aux films traditionnels. Ils se mettent à tourner des films différents, nouveaux, tant par leur technique que par leur sujet. ‘Jules et Jim’, ‘Bande à part’, ‘Le Beau Serge’, ‘Lola’ sortent alors sur les écrans, affirmant leurs revendications communes mais aussi leurs différences. La postérité léguera surtout Les 400 coups et A bout de souffle, tous deux sortis en 1959. Truffaut devient un chantre ; Godard s'’occupe de méduser les Américains.

«La perversité, c’est l’’art de transformer le bien en mal.»

De Claude Chabrol

Et Claude Chabrol dans tout cela ? Derrière sa bonhommie et son côté bon vivant, Claude Chabrol ne semble finalement connu et apprécié que du monde des acteurs (ices). Ce sont eux, actuellement, qui tirent leur chapeau au réalisateur. Des plateaux où l’’on s’amuse beaucoup. Des ripailles organisées dans les terroirs berçant les lieux de tournage, … où l’’on profite de la bonne chair. Et d’’un autre côté, malheureusement pour le grand public, beaucoup de pirouettes et de farces de la part de Claude Chabrol……

«J’en ai assez d’être aimé pour moi-même, j’aimerais être aimé pour mon argent.»

De Claude Chabrol – Dialogue du film Docteur Popaul

Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr

Dans ses films, l’’esprit corrosif ambiant est un degré du langage humain, 2e ou 3e. Face caméra, lors d’’interviews, le bonhomme aime embarquer son interlocuteur. Alors quant à l’’homme ? Difficile à identifier, forcément, pour qui n’’est pas de son monde. Projectionniste dans un petit village de la Creuse, Claude Chabrol participe d’abord aux Cahiers du cinéma en tant que critique avant de fonder une société de production, avec Jacques Rivette, qu’il finance grâce à son mariage avec une jeune héritière. Dans l’’enfance déjà, et l’’adolescence, le garçon préfère les salles obscures à l’’école. En 1958, il réalise son premier long métrage, ‘Le Beau Serge’. Bien que très productif, ses films suivants tels que ‘Les Bonnes Femmes‘ n’enthousiasment pas les spectateurs.

C'est à la fin des années 1960, avec des parodies telles que 'Le Tigre aime la chair fraîche', sur lequel collabore sa coscénariste et deuxième femme Stéphanie Audran, que Claude Chabrol rencontre enfin le succès. Mais déjà, Godard et Truffaut ont fait leur trou au-delà de la Nouvelle Vague. A la fin des années 1970, le réalisateur rencontre Isabelle Huppert, qui incarnera nombre de personnages 'chabroliens'. Ses films traitent de ses thèmes de prédilection, auxquels il accorde la même importance depuis le début de sa carrière : la Provence, l'étude des moeurs bourgeoises et l'hypocrisie qui en découle. Particulièrement la dérision autour de la bourgeoisie dite ''de province''.

«Je n’avais qu’une seule crainte, avec ces pensées, c’était de paraître sympathique.»

De Claude Chabrol  – Pensées, répliques et anecdotes

Deux de ses réalisations, ‘Une affaire de femmes‘ et ‘La Cérémonie‘, lui valent d’être nominé aux Césars en 1988 et 1995. Passionné, il ne cesse de multiplier les projets, et sort encore ‘La Fleur du mal‘, qui rencontre un franc succès en 2003, ‘L’ Ivresse du pouvoir‘ – inspiré d’un événement qui défraya la chronique, l’affaire Elf – ou ‘La Fille coupée en deux‘ en 2007.

« Nous sommes dans une société où les pizzas arrivent plus vite que la police. »

De Claude Chabrol  – Pensées, répliques et anecdotes

Jacques Gamblin et Claude Chabrol. Moune Jamet

Réalisateur emblématique, Claude Chabrol a su se créer un univers unique et s’imposer comme une figure majeure du 7e art à la française. Bien qu’’au cours des années 2000, le réalisateur tournait en rond : dans Merci pour le chocolat, son actrice fétiche Isabelle Huppert semble comme ressortir de sa tombe, le personnage de Violette Nozière, ayant déjà fait l’œ’oeuvre d’’un de ses films en 1978. Chabrol adapte et adapte, tout récemment un fait judiciaire dans L’Ivresse du pouvoir, faire du Siménon à l’’écran dans Bellamy, servir du Maupassant à la TV. Mais à chaque fois, à l’’image de La Fille coupée en deux, soit une mise à l’’écran de l’’assassinat d’’un architecte new-yorkais en 1906, Chabrol vise des matières nobles à exploiter. A tel point que si Siménon avait eu un fils dans le cinéma, il se serait peut-être prénommé Claude, et si Hitchcock avait eu son plus grand fan, il se serait nommé Chabrol.

Si Claude Chabrol a aujourd'’hui l'’hommage que n'’a pas eu Alain Corneau ou Bernard Giraudeau, décédés à la même période pourtant, la raison est peut-être à chercher dans ce prix du cinéma lui ayant été décerné en 2005 par l'’Académie française : un jeu de pouvoir.

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