Bien plus riche et mature que le soft power américain (une stratégie d’influence du monde selon une doctrine pensée, élaborée), la puissance culturelle japonaise c’est par exemple davantage de fans dans le monde qui avaient pleuré le décès d’Akira Toriyama le 1er mars 2024, auteur/créateur de la saga majeure des mangas/animés Dragon Ball, que d’autres à l’échelle mondiale avaient pleuré la mort du mythique Michael Jackson, ambassadeur hors-norme pourtant, de la pop music ! Le Japon a pris les choses en main depuis 2002, lorsqu’il a mis en place le COOL JAPAN, soit un concept politique et culturel national décrit comme une forme de soft power : « une capacité à influencer les comportements, habitudes, par des moyens culturels et idéologiques ». Encore que la partie « influences idéologiques » japonaises dans le monde reste une création plus récente : elle a moins de deux ans ! Et pourtant il faut savoir que l’influence japonaise sur le monde est puissante depuis les années 1980… Un réservoir immense pour imposer sa culture nationale mélangeant coutumes traditionnelles très anciennes et véritables plongées futuristes en matière architectural, vestimentaire, et en matière de divertissements (cinéma, mangas, jeux vidéos, haute technologie). Le Japon supplantera l’Amérique un jour ! Explications…

L’idéologie exprimée dans les années 1980, dans les animés Dragon Ball diffusés par la télévision française entre autres, est tout droit sortie d’un Occident fantasmé lui-même par Akira Toriyama, créateur de cette saga populaire mondialement, et dont le scénario et le déroulement de l’histoire sont mondiaux voire interstellaires (sic). Il y est question en fait de vouloir provoquer une prise de conscience de la jeunesse japonaise et mondiale, à propos d’une planète vivante à protéger, la Terre étant un organisme vivant. Protection dont les clefs sont remises en fait à un petit garçon Sangoku combinant des origines issues du primate comme nous-autres mais dédoublées d’origines extraterrestres, venant de la planète Végéta de laquelle il aurait été envoyé sur Terre pour la protéger tel un….messie. Soit un messianisme occidental combiné à une conception orientale de notre planète en être vivant relié à d’autres planètes au sein d’un cosmos.

Au premier plan, SANGOKU, chevelure blonde liée à une transformation en super sayan, soit une couleur de cheveux qui n’a rien à voir avec le Japon mais avec l’Occident…

Le Japon et ses auteurs/créateurs de mangas, ses réalisateurs de cinéma, mettent un coup d’accélérateur depuis deux ans. Le Japon, puissance déclinante, jadis numéro deux mondiale, doublée par la Chine, ne baisse ainsi pas les bras et entend renforcer une influence qu’il a depuis fort longtemps sur l’Occident, à travers son fantasmatique cocktail entre traditions médiévales de ses campagnes montagneuses et l’ultra-modernité de ses paysages urbains tutoyant le Ciel.

Hayao Miyazaki, considéré à plus de 90 ans, comme le plus grand réalisateur d’animé au monde.

Un génie de la création animée, Hayao Miyazaki, dépeint ce cocktail japonais ancienneté/modernité, depuis les années 1980, en version « long-métrage d’animation » à la palette graphique hors-norme et aux scénarios plaisant selon une double-lecture possible à la fois aux petits comme aux grands. Miyazaki ne s’arrête pas là : il envoie messages sur messages concernant éveil des consciences face aux défis environnementaux et défense de l’innocence (en danger) de l’enfance. A l’image des dessins-animés américains à la sauce Marvel/Comics DC qui n’ont jamais réussi à concurrencer les mangas japonais qui, eux, affichaient dans le monde entier un véritable savoir-faire, les USA et son soft power est un pâle modèle dont s’inspire le Japon. L’élève Japon dépassera rapidement le Maître USA !

Image extraite du VOYAGE DE CHIHIRO, chef-d’oeuvre de Hayao Miyazaki.

En terme d’influence organisée en direction du monde dans l’intérêt d’imposer son propre modèle culturel sur les autres modèles culturels nationaux d’Occident et d’Orient, le Japon vient en effet de passer la vitesse supérieure. Le Japon peut puiser sur des « réserves » en idées, idéaux et idéologies énormes, par rapport à des USA inventeurs de cette méthode d’établissement et raffermissement d’une puissance par des voies culturelles certes, mais qui ne sont nés culturellement qu’au XVIIe siècle. Les USA ont bien moins de chapitres historiques à raconter et vanter, au monde, que le Japon.

La série Shogun diffusée par le bouquet Disney + en France et dans le monde, narre un Japon aux codes féodaux de loyauté, de bravoure et honneur, tout en brassant un ensemble de codes de conduite ancestraux auxquels les Japonais accordent rigueur encore aujourd’hui en dehors des vastes agglomérations urbaines. Shogun, série tirée et adaptée du roman éponyme de l’auteur australien James Clavell, est actuellement la grande locomotive, la grande tête de gondole du bouquet Disney +, attirant des abonnés. Or, Shogun réunit une certaine élite de l’acting japonais du moment, qui s’associe donc à une adaptation en série-TV d’un roman de l’occidental Clavell : soit la vision occidentale du Japon féodal des samouraïs, ninjas, ronins et autres shinobis.

Hiroyuki Sanada, participait comme rôle-maître, comme acteur important dans Le Dernier Samouraï, en 2004. Dans la série Shogun de cette année 2024, revisitant avec grande réussite le roman fleuve de l’Australien James Clavell, il est à la fois producteur et acteur principal.

Shogun est une sorte de vision occidentale à laquelle adhère le Japon actuel, qui cherche avant tout à travers sa manœuvre d’extension de son aura culturel dans le monde, à remédier au sort auquel est livré sa population :

  • baisse de la natalité,
  • vieillissement de la population,
  • de nouvelles générations déjà exténuées par les pressions morales, familiales et professionnelles propres au monde moderne/urbain japonais.

Attirer des investisseurs et travailleurs étrangers sur son sol ne serait donc pas de refus, tout est stratégique.

Après, cela étant écrit, la concurrence asiatique est là : la K-pop, de Corée du Sud est elle-même actuellement une élève du Japon des années 80, biberonnée qu’elle a été par la partie moderniste des univers nippons. Squid Game est une série sud-coréenne qui a fait un tabac mondialement, quand le clip vidéo musical le plus vu sur Youtube est sud-coréen. Le Japon apprend très vite de ce voisin sud-coréen, et reste bien plus armé pour dimensionner son aura culturel à l’échelle mondiale plus durablement. On n’est en effet pas tous les jours un pays à l’ancienneté immense de peuplement, et ayant ce côté « coupé du monde » fort durablement, du fait de l’insularité de ce pays-archipel. D’ailleurs l’Homme moderne Homo sapiens n’avait pu véritablement s’aventurer dans le Japon et y diffuser la vie sédentarisée en village et pratiquant agriculture et élevage que tardivement par rapport au reste du monde : la culture de Jômon avait initié cela il y a 15 000 ans…

Ce particularisme du Japon, de sa civilisation toute entière, représente un vivier culturel ultra puissant.



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