SANS FILTRE de Ruben Ostlund – sorti le 28 septembre 2022

Pitch :

Un couple formé d'un mannequin (Harris Dickinson) et d'une influenceuse (Charlbi Dean Kriek), se retrouve embarqué sur un navire de croisière de luxe, et découvre un monde de parvenus enrichis par la vente d'armes ou d'engrais, et où les femmes entretenues par les milliardaires tiennent un rôle décoratif. Le repas du capitaine (Woody Harrelson), au milieu d'une tempête, tourne au cauchemar, au naufrage. Une petite dizaine de rescapés se retrouve sur une île semblant déserte. Les milliardaires ne sachant rien faire de leurs dix doigts, Abigail, la préposée aux WC du yacht s'autoproclame capitaine, puisqu'ils dépendent d'elle pour trouver de la nourriture, faire du feu et cuisiner.

Avis :

Ruben Östlund avait reçu la Palme d'Or à Cannes, pour The Square, en 2017. Il réédite cet exploit "surfait" au Festival de Cannes 2022 avec ce Sans Filtre, pour un Festival qui se rattrapait en quelque sorte, concernant le cinéma dénonciateur et subversif qu'il avait pourtant hué et vomi le 17 mai 1973 lors de la projection en compétition officielle, de La Grande Bouffe, de Marco Ferreri, film jugé alors obscène, licencieux et pornographique.
Interviewé par la presse pendant le festival de Cannes de 1973, Marco Ferreri avait expliqué avoir voulu faire un film non pas psychologique mais "physiologique" pour dénoncer ce qu'on commence à appeler à l'époque "la société de consommation". Eh bien justement, Ruben Östlund propose un film très physiologique lui aussi, pour dénoncer là, les ultrariches, puisque ses poupées de cire qui lui servent d'acteurs/comédiens/actrices/comédiennes semblent bel et bien désincarnées, puis asséchées lorsque le naufrage a eu lieu. 

Un film en deux temps : les deux premiers tiers filmant ce luxe obscène à bord du yacht et ces mentalités de milliardaires totalement déconnectées des simples gens (par exemple déconnectées de la mentalité du personnel d’équipage) ; le second temps étant un dernier tiers qui fait plonger Ruben Östlund dans du cinéma tout aussi caricatural mais façon série LOST (une île, quelques rescapés et une inversion de la détention du pouvoir au sein des classes sociales présentes selon son habilité à se rendre utile pour les besoins vitaux de la petite communauté des rescapés).

Soit une approche simpliste d’une lutte des classes, certes actualisée par un réalisateur talentueux, et parfois provoquant (j’ai été plongé entre attente surtout, ennui, et parfois malaise, durant le visionnage des deux premiers tiers de ce film). Le luxe obscène qu’il dénonce, ces milliardaires sans savoir-vivre qu’il dénonce, ces métiers inutiles sans savoir-faire qu’il dénonce (mannequin, influenceuse), est parfois jouissif à visionner jusqu’au naufrage. Lors du naufrage, ce cinéma atteint le paroxysme de son aspect physiologique (vomissements de milliardaires en cascade, traits d’humour sordides), de son aspect désincarné : les poupées de cire d’acteurs/actrices sont mises à l’amende pour l’outrance de leur vie passée face à cette fin soudaine mais longue à la fois (ce naufrage)…longue puisque Ruben Östlund étire ses plans à l’extrême en filmant :

  • l’enivrement de ces ultrariches,
  • le mal de mer de ces ultrariches,
  • des plans-séquences d’humours sordides,
  • de longs vomissements à même la table,

Le tout dans le décor d’un yacht brinquebalant de part en part, ce qui amène là le seul vrai moment d’humour caustique durable et réussi, de tout le film. D’ici ce naufrage vous assisterez à du relationnel caricatural, superficiel entre ultrariches entre eux, ultrariches et personnels d’équipage.

Là où Marco Ferreri avec La Grande Bouffe, avait réussi une forme de dénonciation de la société de consommation en 1973, Ruben Östlund nous pond une critique bien pâlichonne des ultrariches.

Dans le fond, Sans filtre, et sa Palme d’or 2022 totalement surfaite, c’est tout Cannes, c’est tout ce qu’est devenu le Festival de Cannes maintenant : devenant le théâtre de verdure d’un cinéma chic et choc à la fois.

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