LE VENT SE LEVE (de Ken Loach – 2006)

Je n’’ai pas vu les films qui étaient en compétition au festival de Cannes contre ce Le Vent se lève, mais la palme d’’or n’’est à priori pas volée tant il est difficile de tenir des propos aussi sérieux vis-à-vis de l’’histoire sans être ennuyeux.

Pitch    :

Irlande, 1920. L’’Irlande se déchire dans la guerre que mène l’’IRA aux troupes anglaises présentes là bas. Teddy O’Donovan combat clandestinement pour l’’indépendance du pays vis-à-vis de l’’empire britannique. Il fait parti de l’IRA.  Le comportement immoral des soldats anglais, des anciens de la bataille de la Somme, poussera le cadet Damien O’Donovan à rejoindre l’’aîné dans ce difficile combat. A leurs risques et périls.

Rappels historiques    

Après la reconquête légale des terres anglaises d’’Irlande par les Irlandais, dans les années 1870-1903, les nationalistes irlandais vise l’’indépendance politique vis-à-vis de l’’empire britannique. Le projet « Home Rule » est voté en 1914 à contre cœoeur par le roi George V, mais avaient concouru à cela les obligations de l’’entrée dans la guerre 14-18. la priorité nationale se fixait désormais sur la Grande Guerre. Pour mieux enrôler de volontaires irlandais, le vote du « Home Rule » avait sa place. Profitant que les troupes impériales soient en guerre, le Sinn Fein (« nous seuls ») proclame la république à Dublin. L’’Irlande est indépendante. Mais l’’empire britannique ne l’’entend pas de cette oreille et fait arrêter les dirigeants du Sinn Fein et les signataires de l’’indépendance irlandaise (2500 incarcérés, 500 morts). Les élections parlementaires de 1918, à Dublin, voient le Sinn Fein conquérir 73 sièges sur 105, plus que la majorité absolue. Mais les Anglais n’’admettent pas ces résultats et entament la répression militaire dans les villes et campagnes irlandaises. Dès 1919, et jusqu’’en 1921, les nationalistes irlandais de l’’IRA défient les troupes anglaises d’’Irlande en une véritable guérilla, pour faire reconnaître l’’indépendance souhaitée et votée par le Sinn Fein (nous sommes alors à l’’époque du Vent se lève). L’’IRA devient le bras armé du parti Sinn Fein, mais tout reste fragile et volatile. Les dissensions et désaccords internes sont nombreux. La guérilla parvient en décembre 1920 à stopper un convoi de soldats anglais, faisant 17 morts (c’’est la fusillade du film). En 1921, le traité de Londres admet que l’’Irlande ait le statut de dominion, ce qui n’’est pas du goût de certaines branches de l’’IRA. L’Irlande est aussi partitionnée en deux, avec l’’Irlande du Nord qui reste totalement britannique. En 1922, le parlement irlandais approuve le traité de Londres. Mais certains groupuscules indépendantistes, dont l’’IRA entameront une guerre civile.

Avis     :

Film très dynamique, avec pour colonne vertébrale la mise en scène de la violence morale, physique et verbale. Film qui serait inclassable s’il ne traitait pas d’histoire. Car il mêle l’historique, l’action, le suspense, l’émotionnel, le dramatique au politique. Les scènes s’imbriquent bien les unes à la suite des autres. Les séquences violentes ne sont entrecoupées que par des moments de calme courts, qui sont autant de pause avant la prochaine tempête. Ces moments de calme ne sont efficaces, car ils permettent ensuite au spectateur d’être mieux aspiré dans le déchaînement de la violence. On est aspiré par la violence du film. Violence des images, dont certaines sont dures. Violence des propos aussi : les nationalistes irlandais veulent répondre aux « saloperies » que leur font les soldats Anglais.

Diaphana Films

Lorsqu’ils sont entre eux, ces nationalistes irlandais parlent des Anglais comme si ces derniers étaient la peste. Mais dans la mise en scène de Ken Loach, ce sont les Anglais qui font démarrer la violence verbale, physique et morale du film. Les Irlandais de l’’IRA la feront déraper vers l’’irréversible. Une famille, représentative des familles irlandaises de l’’époque (on n’’en doute pas M. Ken Loach) s’’entredéchirera au cours de cette lutte indépendantiste. Des soldats anglais, représentatifs de l’’empire britannique de l’’époque (on n’’en doute pas M. Ken Loach) auront des actes et des propos très durs envers les Irlandais. Passages à tabac, tortures, fusillades, humiliation des femmes par la coupe de leurs cheveux, insultes à caractère religieux donc raciales, meurtres, arrachages des ongles……..l’’armée anglaise d’’Irlande n’’est pas montrée sous un beau jour, M. Ken Loach. Mais on ne peut vous en vouloir tant l’’essentiel de votre propos ne tient pas là. Le projet n’’est ni modeste ni ambitieux, il est… sincère. Ken Loach a décidé de suivre une communauté d’’Irlandais des comtés du Kerry et de Cork et à l’’intérieur d’’elle une famille, dont deux frères de sang et d’armes. Le zoom se fixe au plus près de ces personnages et de leur entourage comme pour attacher le spectateur à eux. La dramaturgie fait ensuite le reste. Il fait parler ses personnages pour tenter de tutoyer la vérité historique. Et en filigrane de son concept de film, Ken Loach établit méthodiquement une barrière entre riches et pauvres, entre possédants et possédés, un peu à la Marx, mais en moins direct. Quand le prêtre catholique dira qu’il faut accepter le traité de paix signé entre le gouvernement irlandais et l’’empire britannique et que cesse la guérilla menée par l’IRA, des gens se lèveront et s’’élèveront contre lui affirmant avec force de conviction que lui aussi, après l’’armée irlandaise, se place à la solde des riches (comprenez des Anglais). Ce manichéisme n’’est pas une première chez Ken Loach : voyez sa série « Days of Hope », sur la condition ouvrière (années 70). Il fera dire à un supérieur de l’’armée anglaise (propos visant le nationaliste irlandais Teddy O’Donovan) :  « Sale révolutionnaire de merde ! ». Propos que n’’aurait jamais tenu Ken Loach, lui qui est un marxiste convaincu. Et s’’il ose le faire dire de la bouche d’’un Anglais, c’’est que l’’Irlandais Ken Loach a voulu donner, en filigrane, sa vision des Anglais des années 1920. Parce qu’’au fond Ken Loach n’’est plus marxiste, ça crève l’’écran.

Le Vent se lève est plus qu’’un essai historique sur l’’Irlande nationaliste des années 1920, il est le dernier galop d’’un marxiste qui ne croit plus en la cause révolutionnaire, en la raison révolutionnaire. Parce que la révolution laisse des déchirures, des morts et des larmes derrière elle. …Ken Loach a semble-t-il fait son propre procès.

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