Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone avec Robert De Niro, James Woods, Jennifer Connelly, 1984

Sergio Leone sortait dans la difficulté la plus totale, en 1984, un film qui allait devenir mythique. Ironie du sort, incertitudes de l'histoire…, Il était une fois en Amérique reste aujourd'hui le film de gangster à égaler, à dépasser tandis que tous les échos positifs qui encensent la trilogie Godfather (Le Parrain), sont tous restés finalement le symptôme d'une machinerie commerciale de forte ampleur.

Pitch :                   

Il était une fois deux truands juifs, Max et Noodles, liés par un pacte d’éternelle amitié. Débutant au début du siècle par de fructueux trafics dans le ghetto de New York, ils voient leurs chemins se séparer, lorsque Noodles se retrouve durant quelques années derrière les barreaux, puis se recouper en pleine période de prohibition, dans les années vingt. Jusqu’au jour où la trahison les sépare à nouveau.

Avec Il était une fois en Amérique, le grand Sergio Leone clôt certes sa trilogie à lui (après Il était une fois dans l’ouest et …La Révolution), mais il démontre plan après plan, toute sa maestria, et ce, pendant près de quatre heures durant. Tout simplement un film mythique dans sa conception, son atmosphère et son vécu public.

Choisir Robert de Niro par défaut était déjà le signe d’une production qui ne tenait pas debout. Sergio Leone restera pour longtemps le dernier réalisateur qui a dit non au monde de la production. Et le plus choquant reste que malgré l’aura et le charisme de Sergio Leone, des producteurs aussi matérialistes qu’ils puissent avoir été dans leurs têtes, sont parvenus à foutre en l’air une œoeuvre à la base magistrale. La version sortie aux Etats-Unis est tout simplement ridicule, démontrant en 3h45 amputée d’une heure vingt minutes, que les producteurs avaient eu bien tort d’imposer leur point de vue.

Le romanesque au cinéma, si, si, ça existe, cela s’appelle Sergio Leone

Si les projeteurs de cinéma gueulaient quand même, pour ces 2h25 de film à présenter au public en salles, ils auront eux-aussi eu tort. La durée, la réussite et la beauté singulière de l’œoeuvre avaient conquis son public en Europe. Sergio Leone avait l’aura du maître incontesté du nouveau western, le chantre de ce far-west qui fascine l’ancien monde, celui d’Européens qui n’ont jamais vécu de près l’aventure du Grand ouest américain. Voilà qu’il s’attaquait au devenir des solitaires des grandes plaines devenues directement et intensément les héros ordinaires de la rue et des villes.

 Les deux grandes symboliques d’Il était une fois en Amérique : le pont des espoirs, l’amour de la nostalgie

Transposer en ville, la force de la loyauté, la menace de la vengeance et le rêve de devenir libre, allait être pour Sergio Leone le résultat d’un parcours personnel, quand tout le monde prendrait dorénavant sa roue pour pondre des séries qui voudront transposer dans la ville le héros solitaire et justicier, qu’il soit flic ou mafieux.

Il était une fois en Amérique reste pourtant la grosse pointure inégalable : et si on songeait ne serait-ce qu’un instant que nous avons passé près de quatre heures devant un écran sans jamais se demander ce qu’’on fiche là… Terrible oeœuvre cinématographique qui n’a jamais fini de diviser ses spectateurs. Et Sergio Leone emportait ses vérités avec lui dans la tombe, cinq ans plus tard.

L‘opium comme fil rouge du film ? Un héros de film mort avant la fin ou véritable fresque sur le devenir des dépositaires de la prohibition ? Il était une fois en Amérique se visualise plutôt comme un film tout ce qu’il y a de plus compréhensible, mais puisque le chat est absent, les souris dansent… Il faut dire que ces transitions temporelles, pondues par Leone sont tellement audacieuses qu’elles bluffent son monde ! On passe d’un monde à l’autre, d’une époque à une autre, on passe même, il faut bien le croire, d’un souvenir à un autre, avec tous les délires qu’autorise la subjectivité de l’homme qui nous conte ses frasques.

Mais ce ne sont plus tout-à-fait des frasques, même de la part d’un tel gangster, dès lors que l’humanisation du personnage est totale et que son intégrité suinte petit à petit jusqu’à laisser le spectateur assoiffé. Comment Sergio Leone est-il parvenu à rendre le spectateur attaché à un tel homme qui tue et arnaque ? Bien des mystères, qui font en fait l’étalage de tout le brio d’un réalisateur-scénariste qui, malgré plus de trois heures de film, a réussi à laisser le spectateur dans l’expectative.

Les séquences de tuerie aussi sauvages que le genre l’exige, rejoignent étrangement l’émotion communicative d’une bande-son (signé du grand Ennio Morricone) et de souvenirs amoureux. L’amour du personnage pour tout : une jeune fille danseuse, espiègle, insolente, mais terriblement belle de caractère ; un quartier difficile des années 1920 où la folie de l’égoïsme livre à eux-mêmes tout un tas de gens ; un business des rues dans ces années de prohibition où la réussite ne peut se faire qu’au détriment des autres, et enfin ces années 60 où la fin d’un parcours se conjugue au passé, avec force de nostalgie et de renoncements à la vengeance.

Sergio Leone va beaucoup plus loin que son personnage. Il se sert de la mémoire de son personnage pour dépeindre toute la vision qu’il a, lui le grand Leone, de ces années noires qui avaient donné naissance, tout de même, à deux conflits mondiaux faisant des millions de morts. Il se permettait ainsi de mettre en confrontation directe le sentiment amoureux avec la pulsion de survie. Terrible fresque que ce film, sur la frivolité de l’existence humaine.

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