TIRAILLEURS (Mathieu Vadepied et Olivier Demangel – sorti le 4 janvier 2023)
Pitch
Bakary Diallo (Omar Sy) s’enrôle dans l’armée française pour rejoindre Thierno (Alassane Diong), son fils de 17 ans, qui a été recruté de force. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf.
Avis
Décidément la France ne parvient à visiter la guerre 14-18 que par l’entremise de niches conceptuelles (ici un père et son fils tirailleurs), par l’intermédiaire de fenêtres de tir scénaristiques limitées à de l’histoire insignifiante (l’antagonisme entre ce père pacifiste et son fils volontaire au combat ne prend jamais, on entre jamais vraiment dans ce long-métrage), au sein d’une Grande Histoire qui pourtant a le mérite d’être un champ des possibles autrement plus colossal et porteur.
Ci-dessous, déjà, une série de jaquettes de longs-métrages sur 14-18 qui étaient basés sur des histoires de niches peu porteuses en comparé avec la mythologie et la fantasmagorie qu’aurait pu alimenter une telle guerre :
Ci-dessous, des succès d’estime (Capitaine Conan) qui nous manque, depuis, en terme de réalisme du cinéma français, et des hautes pointures internationales (Les Sentiers de la gloire) ou chefs d’oeuvre de l’histoire du cinéma français (La Grande Illusion):
Sam Mendes est à ajouter à cette liste de films ci-dessus, avec son 1917 à la technicité photographique visant une surenchère de réalisme et d’esthétique :
Ce duo ne fonctionne jamais, dans Tirailleurs. Quant aux décors : toujours le même point de vue depuis la même tranchée, toujours ce petit village servant de campement, un no man’s land sans impression laissée au spectateur, un no man’s land entre tranchées dont rien ne ressort à la vue du spectateur, il est insignifiant. Quant aux costumes : trop propres, tout droit sortis d’un musée. Quant à la retranscription d’une réalité du moment, tout est minimaliste, recroquevillé autour d’un Omar Sy qui force le trait dans son combat d’un père voulant sauver du front, son fils. Alassane Diong est le seul poumon du film : inspiré par son rôle, il porte le film comme il peut, avec sa verve combattante. De multiples sous-histoires en une : ce binôme de voleurs de soldes, ce tirailleur rusé ayant la combine pour s’échapper du front et rentrer au pays, ce caporal guidé par sa soif d’en découdre avec les boches,…et rien n’est tissé ensemble convenablement, rien ne va ensemble, aucun agencement au montage final. Nous sommes, spectateurs, balancés du coq à l’âne dans ces sous-intrigues peu prenantes, insignifiantes même.
Un manque criant de souffle épique pour un film sur les tranchées de 14-18 ! Et une sale envie de faire du travail de mémoire, de faire une piqûre de rappel à connotation politique sur la cause des tirailleurs sénégalais, ce qui était bienvenu évidemment, mais pas de cette manière aussi informe. Tirailleurs est un ensemble de sous-histoires dans la Grande, de bavardages, d’insignifiance des combats…
Longtemps livre de chevet pendant mes études universitaires d’histoire, ce livre ci-dessous est à lire, si vous voulez comprendre pourquoi je suis aussi dur avec Tirailleurs et avec le vide incarné par ce film dans l’histoire des films français sur la Grande Guerre :