THERE WILL BE BLOOD (Paul Thomas Anderson – 2008)

Affiche américaine. Miramax Films

Avant-goût

Un rôle difficile à jouer. Oscar de meilleur acteur entièrement mérité pour Daniel Day Lewis ! There will be blood parle de ces valeurs morales qui ont lancé les Etats-Unis dans une ouverture égoïste, intransigeante et purement capitalistique sur le monde, lors de ce fameux tournant du XIX-XXème siècle.

Pitch

1898, dans le grand ouest américain. Daniel Plainview est de ces aventuriers modernes qui comme ceux qui cherchaient obstinément de l’or, travaille d’arrache-pied à trouver le nouvel or de son temps : le pétrole. Seul, bien seul, il creuse et creuse jusqu’à trouver un premier puits exploitable. Il embauche quelques associés. Il en perd un, et doit recueillir son enfant, H.W. N’ayant que ce petit, il le voit grandir à mesure qu’il étend sa domination mercantile, son petit empire. Lorsqu’il entend parler d’une petite ville de Californie où l’on dit qu’un océan de pétrole coulerait littéralement du sol, il décide d’aller tenter sa chance et part avec son fils à Little Boston. Dans cet endroit où la terre salinise les cultures jusqu’à la mort, et où le roc est Roi, l’unique distraction est l’église animée par le jeune prêtre Eli Sunday. Plainview et son fils voient le sort leur sourire. Les terres sont achetées pour y forer plusieurs puits. Même si le pétrole comble leurs attentes et fait leur fortune, plus rien ne sera comme avant : les tensions s’intensifient, les conflits éclatent et les valeurs humaines comme l’amour, l’espoir, le sens de la communauté, les croyances, l’ambition et même les liens entre père et fils sont mis en péril par la corruption, la trahison… Et le pétrole.

Avis

« Ça va saigner / Il y aura du sang ». Voilà comment on pourrait traduire There will be blood. La violence du film n’est pas seulement visuelle, elle est plurielle. Cet enfant abandonné. Ce « frère » assassiné. Mais aussi ce jeune prêtre humilié dans la boue. Ce n’est plus une question de violence des mots ou physique, c’est l’affaire d’une violence morale continuelle.


Daniel Day-Lewis. Miramax Films

There will be blood est une fresque assez réussie sur ces années de transition entre la découverte du pétrole et sa transformation en économie libérale. Parmi les premiers acteurs de ce changement, Daniel Plainview. On n’est plus au temps des chercheurs d’or, tous les phénomènes dépassent ces chercheurs. On constate l’émergence du pétrodollar, avec toutes les complexités existentielles que cela impose à Daniel Plainview. Il a commencé seul, il s’est battu seul, il a creusé seul. Le voilà riche de son nouveau pétrole !

Avant qu’il n’imprime sa richesse dans la pierre, avec un mauvais goût prononcé, il faut le dire, il court et courra après des puits de pétrole, sans profiter de sa vie sur un plan personnel et humain. Plus il avance plus il laisse de monde sur le bord de son chemin. Daniel Day Lewis joue un homme qui se déshumanise, se désocialise. Il refuse de se considérer comme quelqu’un qui leur apporte quelque chose. Et il en souffre.

1898-1929, l’époque de la réussite rapide, qui rend fâcheusement fou. La richesse rapide ne convient pas à grand monde, finalement. Quand on n’a rien, et que d’un seul coup, on a tout, il y a de quoi ne plus se connaître. Paul Thomas Anderson a justement décidé d’axer son film là dessus : le portrait d’un travailleur de la terre, moderne. Un seul de ses puits de pétrole lui permet d’exproprier des centaines d’hectares de terre. Le cultivateur de maïs ne vaut rien à côté de lui.

Dillon Freasier et Daniel Day-Lewis. Miramax Films

There will be blood est effectivement un magistral portrait. La grande réussite du film, totale, est là. Daniel Day Lewis avait le talent pour endosser ce rôle. Il porte le film, il incarne le film à la perfection. Tout tourne autour de lui. Il est omniprésent, omniscient. Il mérite son oscar. There will be blood est très bon, en définitive, bien plus par la qualité de ce portrait d’homme, que pour son côté fresque.

La fresque reste trop en surface de plusieurs phénomènes historiques propres aux Etats-Unis : le proto-capitalisme, l’émergence des pétrodollars, la réussite rapide des pétroliers, le passage des premiers forages artisanaux à une économie libérale du pétrole, le rôle de ces pétroliers dans le krach de 1929, etc. Mais ce portrait d’homme est une merveille, desservie admirablement par la caméra de Paul Thomas Anderson, qui joue avec les éléments naturels -monts, ciel obscurs et plaines-, et les effets d’optique -ce champs de vision cisaillé par une rangée de poteaux-.

On se demande quel homme joue Daniel Day Lewis, tellement celui-ci se cache derrière sa moustache et ses yeux perçants. Son talent lui permet d’interpréter le refoulement, la souffrance morale, la douleur physique, l’avarice, l’égocentricité, le narcissisme, la perte d’identité, la passion du travail, l’orgueil, la honte, la jalousie. Son personnage Daniel Plainview, aventurier des temps modernes, est un mélange obscur entre tout cela. Ce sont des défauts. Mais parmi ces défauts se trouvent justement des qualités aux yeux des Américains. Des valeurs qui ont lancé les Etats-Unis dans une ouverture égoïste, intransigeante et purement capitalistique sur le monde. Un autre débat….

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