LE SALAIRE DE LA PEUR – de Henri-Georges Clouzot – 1953

Le 22 avril 1953, Le  Salaire de la Peur sort aux cinémas Gaumont-Palace, Berlitz et  Colisée, pour le succès qu'on lui connaît. Henri-Georges Clouzot  commet  l'audace de transposer dans un cadre réel un huit-clos à  suspense. Le  Salaire de la Peur traite de la bravoure, de l'essence  d'un homme, qui  se révèle face à l'adversité la plus impitoyable.  Clouzot est mauvais  dans la première demie-heure de présentation du  caractère des  personnages. Mais quelle force qu'il dégage ensuite,  en tout, pour tout  et partout. Petit rappel : Attention chef d'œoeuvre  ! 

Pitch

En Amérique du Sud, quatre aventuriers, dont Yves Montand et Charles Vanel, acceptent, pour éteindre l'incendie d'un puits de pétrole, de convoyer sur des routes ravagées, deux camions chargés de nitroglycérine, qui explose au moindre choc.

Avis

Au panthéon du cinéma français certes, Le Salaire de la Peur ne crève pas l’écran dans sa première demie-heure. Charles Vanel émerveille parfois, mais est fortement dépendant du charisme que fait revêtir Clouzot à son personnage. Yves Montand animera, en jeune louveteau venant d’une nouvelle génération d’acteurs, tout son visage, tous ses tics verbaux face caméra, quand Vanel sera cristallisé dans la pellicule comme un bonhomme de la tête aux pieds, charismatique. Yves Montand dispose, c’est vrai, d’une caméra plus introspective, plus proche.

L'impression d'avoir des détails inutiles ou de visualiser quelque chose d'anodin, s'évapore lentement mais sûrement, dès lors que les camions sont engagés sur ces routes piégeuses. A l'arrière, des bidons de nitro, au devant, des passages de plus en plus ravagés. La torpeur s'installe surtout lorsque le jeu de personnages est chamboulé. Le crack se dégonfle, le petiot se rebiffe. Une mission à remplir, un magot au bout. Le duo Montand-Vanel emplit alors les attentes du spectateur. A deux, ils parviennent à ne laisser aucun homme sur le bord du chemin : la grande gueule, l'intrépide, l'ambitieux, le mercenaire, le coeœur tendre, le gros bras, la poule mouillée, la tête brûlée. Et il y a de quoi surprendre compte tenu de la mission à remplir. Tout simplement suicidaire, mais indispensable pour des raisons plus hautes : celles du pétrole, d'un puits en flamme.

De plan en plan, de séquence en séquence, Henri-Georges Clouzot nous accroche à ce camion frénétique, conduit par deux chauffeurs, en relais, que la fatigue, la nitro ou la simple méconnaissance d’eux-mêmes peut amener à la folie, la mort ou la réussite. C’est selon. Le Salaire de la Peur garde pour lui cette précocité dans le suspense à grand spectacle, cette qualité artistique et cette emprise du scénario, total et humain, nichant l’ambition et l’homme jusqu’à ses ultimes limites. Le Salaire de la Peur reste pour autant vrai, entier et sincère sur le rapport ténu à l’argent, sur la soumission de soi au profit d’enjeux imperceptibles et plus hauts, enfin, sur la perte de soi face à la peur, jusqu’à ne devenir que l’ombre de ses propres soupirs.

Lors du Festival de Cannes 1953, Charles Vanel reçoit le Prix d'interprétation masculine.

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