Sergio Leone entreprend de réaliser le western « Pour une poignée de dollars », en 1965. Il confie alors le rôle d’’un cow-boy solitaire à  Clint Eastwood et offre un rôle noir à l’’adversaire de Clint, incarné par Gia Marcia Volonte. Les moyens ne semblent pas encore au niveau des deux suites que Sergio Leone donnera à ce premier opus. La postérité appellera cette série de western « la trilogie des dollars ».  A juste titre d’ailleurs, comme nous le verrons plus bas. Les moyens financiers de ce « Pour une poignée de dollars » n’étaient donc pas autant au rendez-vous que pour les deux opus suivants puisque Sergio Leone se contente de concentrer la trame scénaristique autour d’une bourgade du grand ouest américain. Mais Leone prouve déjà qu’’il se suffit à lui-même, et qu’’il parvient à passer outre son budget. En effet, il incorpore dans son scénario deux familles dirigeants la bourgade. Du coup, quand Clint débarque dans cette localité, il est mis au parfum à propos de deux clans qui s’’y partageraient le pouvoir.

Et c’’est alors que le $$$  entre dans le film. Pour plusieurs poignées de dollars Clint se jouera de la rivalité entre ces deux familles puissantes. L’argent rendant aveugle, Clint va d’abord tenter de profiter des deux clans et de leur rivalité, mais il se rend compte assez vite de la cruauté d’une des deux familles. Il assistera impuissant à l’assassinat en règle de l’autre famille, les Baxters. Il se dit alors que pour du pognon, il commit l’’erreur de jeter les bases d’’une guérilla ouverte entre ces deux clans. Mais il avait déjà choisi son camp, bien avant ce massacre. Il s’’était rendu compte bien avant combien Ramos, le chef de file de la famille rivale des Baxters, était d’’une monstruosité absolue. Pour un trésor de dollars, Ramos avait liquidé un bataillon entier de soldats sudistes (on est en pleine guerre de Sécession).

C’’est alors que le personnage du cow-boy justicier dans l’’âme prendra le dessus sur le Clint agissant pour quelques dollars. Ce solitaire rendra justice, pour pas un rond mais plutôt par devoir moral. Il défiera Ramos, à ses risques et périls, pour venger la mort du clan Baxter.

Ce Ramos est alors un sérieux client, par sa cruauté, et sa fine gâchette fusil à l’’épaule. On entre alors, avec ce film, dans l’’âge du western « spaghetti », auquel Sergio Leone lui donnera son âge d’’or. La recette miraculeuse fait mouche : le méchant du film est cruel, noir, armé jusqu’’aux dents et protégé par plus d’’une dizaine de compagnons de route. Clint, le cow-boy apprenti justicier, est très rapide de la gâchette et a des idées nobles et bien pensées. L’’obscurité du personnage de Ramos et la force tranquille de Clint apportent à ce western une puissance d’’intrigue phénoménale. On se demande où tout cela va mener, on devient impatient !  Et, autre force du western spaghetti, les tirs et les morts sont légions, on ne s’’ennuie pas tout en n’’étant pas révulsé devant ce spectacle (tant Sergio Leone garde une saine retenue dans ses screenshots). Le méchant est si dur, que l’’on prend plaisir à voir enfin quelqu’’un oser se frotter à lui,  on ressent une certaine jouissance lorsque Clint ressert son emprise sur lui. La dureté de ses adversaires est théâtralisée par des musiques impressionnantes ! Et là est une autre force de ce film : la bande-son. Sergio Leone a la chance de connaître un certain Ennio Morricone. Avec Morricone la musique fait plus qu’’accompagner le film, elle EST le film, elle est chaque personnage.

Clint Eastwood dans un rôle qui lui assurera une certaine reconnaissance du monde du cinéma. 

            Avec Sergio Leone on assistait, dans ces années 60, au renouveau du western. On pourrait appeler ce genre western spaghetti parce que ça tue à tout va, mais aussi western total. Car en effet, dans les Sergio Leone, les méchants sont vraiment dépeints comme des monstres de cruauté, le sauveur est parfois mis en difficulté par ces monstres, au point qu’on l’imagine parfois vraiment mal fichu. Les musiques deviennent de l’orchestrale, comme pour mieux émouvoir ou dégoûter, ou comme pour mieux intriguer ou apaiser le spectateur.

Clint, portant sa traditionnelle tenue de justicier solitaire, encore que dans ce second volet, il n’’agit plus seul…

Après avoir posé le décor et l’’ambiance, Sergio Leone enchaîne l’’année suivante, en 1966, la réalisation de « Et pour quelques dollars de plus ». Les fonds budgétaires sont venus alors à lui, grâce à son premier opus. Il s’’offre alors les services du très charismatique Lee Van Cleef, tout en conservant judicieusement Gia Marcia Volonte et Clint Eastwood. Le casting devient 3 étoiles puisque Volonte, jouant sur son passif de bandit de grand chemin, reste là encore l’’ennemi à abattre. Cette fois-ci, il s’’évade de prison et retrouve sa bande d’’une quinzaine de cow-boys hauts en couleur. Parmi ces bandits de grand chemin on trouve un certain Grogui qui, à un moment du film, parvient en une balle, à raccourcir le cigare de Clint de plusieurs centimètres. Une impression de puissance se dégage alors de cette bande menée par Volonte. Sergio Leone pose de nouveau le décor, notamment avec ce jeu d’’images très réussi !

Vous l’’aurez compris, cette fois-ci, Clint ne devra pas agir seul. Il rencontre alors Lee Van Cleef, et leur rencontre mérite d’’être racontée, parce qu’’elle vaut le détour. Encore un jeu d’’images qui nous est offert avec brio par Sergio Leone. La rencontre des deux, en début de film, est humoristique, tout du moins visuellement humoristique. Ils se défient tels des gosses, Clint tire dans le chapeau de Van Cleef et tire encore et toujours dans le chapeau à chaque fois que Van Cleef s’abaisse pour le ramasser. Cette scène devient culte quand Van Cleef se venge en tirant maintes fois dans le chapeau de Clint, tirant dessus au vol, faisant virevolter sans cesse dans les airs le pauvre chapeau. On sent alors que deux durs de la gâchette se défient, avant de les voir sympathiser, tels des durs qui trouvent plus durs qu’eux. De leur respect mutuel sortira une superbe aventure, une association non vaine qui les mènera jusqu’à la capture mort ou vif du truand et de toute sa bande. Ces deux chasseurs de prime s’’allieront pour nous offrir un sacré moment d’’aventure épique, de règlements de compte, d’’humour et…..de tirs à gogo !

Un an après, Sergio Leone enchaîne de nouveau.  Pour nous offrir un chef d’oeuvre de western : Le bon, la brute et le truand. On suit trois personnages charismatiques, joués par trois acteurs très inspirés. Mais il serait plus juste de dire que ces acteurs ont été bien dirigés, c’est la clé de la réussite de ce film ! Clint Eastwwod est le bon, certes, mais il a des mauvais côtés. De même pour le truand, qui a finalement un bon fond (joué par Eli Wallach).  La brute, quant à lui, est une brute, il est le lascard du film, un sauvage qui abat de sang froid tous ceux pour qui il a été payé ! Sorte de mercenaire, il est incarné par Lee Van Cleef, que l’’on retrouve de nouveau. Cette fois-ci, son charisme et sa tête de dur desserviront un rôle très noir. Le degré de puissance se dégageant du traditionnel méchant des western de Sergio Leone prendra là une sacrée secousse sur l’’échelle de Richter !! 

Le scénario est réglé de telle sorte que ces trois personnages montrent leur vrai visage, leurs défauts, à mesure qu’on avance dans l’histoire. Le scénario les fait se rencontrer. Et avec leur défauts, leurs atouts, ces personnages se livreront un duel à distance épique. Un duel à distance qui se ressert, un duel à trois dont le dénouement final est orchestré avec maestria par Sergio Leone et Ennio Morricone ! Chacun de ces personnages a une morale, et se tient à sa morale, au risque de perdre des plumes devant les attributs des deux autres.

On retrouve au summum les ingrédients qui avaient fait des deux premiers opus des westerns plus qu’’honnêtes. A savoir des décors somptueux, des paysages qui font perdre le sens de l’orientation, le grand ouest américain quoi ! Des moments de silence qui nous plongent dans cette nature difficile et rocailleuse,  des moments d’esseulement du spectateur qui nous font s’attacher au peu qu’on a,  c’est à dire à ces trois personnages. Des personnages qui sont des héros, des fiers à bras pour nous spectateurs, mais qui ne sont rien dans ce grand ouest, tant il est vaste et habité d’énergumènes en tout genre  (surtout en ces temps de guerre de Sécession, temps de guerre pendant lequel il est rare que la justice soit efficace). Une plongée dans un monde d’un autre temps, dans une société américaine en pleine naissance, dans un univers aussi rude que fantasmatique ! Quelle conclusion de trilogie qui nous est offerte par Sergio Leone !

 Si « Pour une poignée de dollars » paraît avec le recul plus modeste que les deux derniers volets de cette trilogie, il faut bien avouer qu’’il est réussi malgré tout dans sa tentative de poser le décor « sergio leonien ». Il contient les bribes de ce qui fera la toute-puissance du Bon, la brute et le truand. Leone faisait alors avec les moyens du bord. Avec davantage de moyens il nous servit une mini révolution cinématographique, dépoussiérant les traditionnels westerns de leur rythme lent, donnant au western « spaghetti » ses lettres de noblesse. Le sens de la répartie, le tir à tout-va et le charisme des personnages intègrent alors le monde du western. Dans le premier volet, Sergio Leone faisait avec ses moyens, il se cherchait encore. Mais il posait le grand ouest comme décor et comme « horizon funèbre » !  Car il faut bien avouer qu’’après lui le western n’’eut plus la même saveur ! C’est un pionnier !

NOTES FINALES :

Pour une poignée de dollars (1964) ****

Et pour quelques dollars de plus (1965) ****

Le bon, la brute et le truand (1966) ****

Trilogie des dollars ***** (note parfaite, pour son ensemble, son tout)

 Pourquoi donner la note parfaite, c’est à dire 5 étoiles ?   Eh bien, faire ce qu’a fait Sergio Leone est phénoménal. Il a enchaîné la réal. de 3 westerns en 3 ans ! Et malgré cet abattage énorme de travail, il offrit du très grand spectacle, sans véritables défauts, et 3 films non des moindres puisqu’à eux seuls ils ont inauguré l’âge d’or du western, l’âge du western spaghetti. Leone est à la fois un révolutionnaire et un pionnier, et il est rarissime d’allier ces deux postérités !

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