Van Gogh (Maurice Pialat -1991)
Maurice Pialat dépeint Van Gogh en-dessous de tout soupçon. Le passionné, le mec qui vit de sa passion, et dont la création et la créativité sont usurpés, volés, détournés et vidés de sa substance
Pitch
Les derniers jours du peintre Van Gogh (Jacques Dutronc) venu se faire soigner chez le docteur Gachet à Auvers-sur-Oise. Terribles derniers jours partagés entre une création intensive, des amours malheureux et surtout le désespoir.
Avis
Maurice Pialat pose un regard aiguisé sur la fin de vie de Vincent Van Gogh, vivant de sa peinture, mourant de ce qui est fait de sa créativité. Le portrait brossé par le cinéaste français à la Palme d’Or, évite de se torturer dans les traits et les coups de couteaux du Maître. Non encore non, Pialat tient les rênes du discours qu’il entretient toujours avec ses spectateurs. Le message est clair : la créativité n’a pas de prix, les oeuvres d’art non plus hormis les délétères, mais créativité et oeuvres d’art riment bien avec le mercantilisme des plus hautain, espiègle et jusqu’au-boutiste.
Son propre frère Théo vend ses oeuvres sans aucune aptitude au dessin, au croquis non plus. C’est dire ! La réalité dépasse la fiction de ses tableaux. Les paysages peints peuvent trouver leur place chez les gens reconnaissants du bien qu’ils procurent. Au lieu de cela les oeuvres de Van Gogh devront attendre sa mort suicidaire pour lui voler la vedette. Là enfin, les musées exposent ce qui étaient alors inexposables, et les gens bien qui aiment l’art pour le bien qu’il procure, vont désormais découvrir qui était l’homme.
Droit, honnête, juste et carré, Van Gogh a toujours dégagé de sa vie le moindre usurpateur : la fille de ses hôtes, son admiration étant maladive jusqu’à en mourir, mais aussi son propre frère, ce marchand d’art « distrait », la femme de joie, car ‘linspiration ne se puise que seul dès lors que pour y apposer un corps on est définitivement bien seul et non deux.
Jacques Dutronc en guest star, merveilleux de réalisme, plantant dans un décor volontairement « nature et rétrograde » un poteau en acier inoxydable sur lequel viennent se frotter, s’écraser les mouches. Dur avec lui-même, il tente de faire comprendre que son quotidien n’a rien d’anormal. Il est donc sévère, il ne faut pas l’emmerder avec des broutilles de bas-étage. L’inspiration ne se trouve pas elle se cherche ! Son mode de vie paraît bizarre à tout le monde, ils devraient plutôt comprendre quel est leur propre mode de vie, se dit-il et affiche-t-il envers tous ceux qu’il croise. Ou plutôt qui le croisent. Car finalement, le temps est bien court pour parachever le tableau de sa vie et ses pérégrinations.
Miné par les misères qu’il subit en provenance de ses proches, il baisse les bras et décide d’abandonner l’idée de les rééduquer à l’autre époque qui va venir avec ou sans lui, mais qui viendra quand même coûte que coûte : la révolution industrielle. Une époque où les peintres ne sont plus itinérants mais ligotés tout autant que Van Gogh avait été ligoté par ses « frères », ce médecin de campagne, ces hôtes et ses propres démons : la toile, la palette et leurs pinceaux.