BABYLONE. Ses jardins suspendus, merveilles du monde, n’ont jamais existé

Les jardins suspendus de Babylone ? Vous allez être déçus. Selon Hérodote et sa description vers -450 de cette ville, point de jardins suspendus. A l’époque romaine, Diodore de Sicile décrit comme l’une des merveilles du monde les « jardins suspendus » de Babylone, attribués à Sémiramis, reine qui, au IXe siècle avant notre ère, les aurait fait aménager. Pure fantaisie, pure surenchère de la part de Diodore de Sicile. Lequel aurait visité les contrées d’Europe et d’Asie ainsi que l’Égypte entre 60 et 59 av. J.-C. certes, avant de s’établir à Rome où il publie son unique ouvrage en 30 av. J.-C., certes : la Bibliothèque historique, une monumentale histoire universelle.

Le règne de Nabuchodonosor II, conservant pour centre névralgique la ville de Babylone, est long et empreint de légendes, c’est alors l’apogée de l’empire néo-babylonien. Son père avait terrassé l’empire néo-assyrien. Lui, son fils, étendra l’empire depuis la Cilicie jusqu’à Gaza. Mais davantage que les rois Nabuchodonosor père et fils, c’est Sémiramis la fondatrice de Babylone, en grande pompe d’ailleurs, et donc la souveraine principalement concernée par le sujet de cet article.

Sémiramis est le nom d’une reine de Ninive et de Babylone, appelée aussi Sammu-Ramat en langue grecque. Elle est l’une des femmes les plus célèbres de l’histoire, et en même temps celle dont le caractère historique est le plus difficile à établir. Elle est devenue le type de la femme grande et puissante, de la reine dominatrice, fondant et administrant des villes et conquérant des empires lointains. Sémiramis mène campagne de par le monde : contre les Mèdes, les Perses, l’Égypte (où elle consulte l’oracle d’Amon), la Libye, l’Éthiopie, la Bactriane et l’Inde (IXe siècle avant notre ère).

La grande œuvre de Sémiramis est la fondation de la ville de Babylone. Les descriptions qu’ont laissées les auteurs grecs et latins de la Babylone de Sémiramis s’inscrivent dans la lignée de l’œuvre d’Hérodote (Ve siècle av. J.-C.), soit le premier Grec à avoir décrit Babylone. Comme lui, ils parlent des murailles de la ville, d’une hauteur et d’une largeur fabuleuses, et de leurs innombrables tours, du pont édifié sur l’Euphrate, des quais et des monuments destinés à la résidence du roi ou à celle du dieu Bêl, assimilé à Zeus ou Jupiter. Tout cela est réalisé en briques cuites enduites d’asphalte, un matériau qui a beaucoup intéressé les auteurs gréco-latins. Si Diodore récuse l’attribution à Sémiramis des jardins suspendus de Babylone, il en donne quand même une description détaillée, et les auteurs postérieurs comme le géographe Denys le Périégète, auteur d’un Voyage autour du monde au Iie siècle apr. J.-C., n’hésitent pas à faire de Sémiramis celle qui avait édifié cette merveille du monde antique, un « jardin admirable » en forme de carré de 120 mètres de côté !

Fin XIXe siècle, des archéologues allemands entreprennent, et ce, jusqu’en 1917, l’exploration du site de Babylone. Les difficultés sont immenses car tout y est en brique crue, matériau efficace contre l’implacable chaleur, certes, mais extrêmement friable. De hautes murailles apparaissent cependant, lors des fouilles menées, mais aucun jardin suspendu dégagé de la terre…

Ni l’art néo-babylonien ni les textes n’évoquent de jardin. En réalité, seuls des auteurs/historiens tardifs, du Ier siècle avant notre ère et du Ier siècle après notre ère, évoquent ces jardins suspendus : Diodore de Sicile, Strabon ou Flavius Josèphe. Alors que ceux des Ve et IVe siècles avant notre ère ne les évoquent jamais : Hérodote, Xénophon, Ctésias.

Babylone est dès le XVIIIe siècle avant notre ère la capitale politique et religieuse d'un ensemble constitué en basse Mésopotamie, comprenant l'ancien « pays de Sumer » (Sumer : inventrice de l'écriture) et regroupant en clair : la plaine alluviale située entre Bagdad et le golfe Persique. Babylone contrôle alors de gros centres urbains en relation avec les principaux bras du fleuve Euphrate. Les frontières de la Babylonie sont naturelles : au sud le golfe Persique, à l'ouest la limite entre la plaine alluviale mésopotamienne et le désert, à l'est le piémont de la chaîne du Zagros, hormis la frontière nord qui est plus floue (l'accès aux cours moyens du Tigre et de l'Euphrate y étant longtemps très disputés).

Il se trouve que dans cette histoire, Ninive et Babylone sont confondues. Les descriptions grecques qui notent l’aspect accidenté des jardins correspondent à celui des parcs royaux néo-assyriens : or, l’Assyrie, et Ninive, sa capitale la plus célèbre, située sur la rive orientale du Tigre en face l’actuelle Mossoul (Irak), comprenait bel et bien des jardins suspendus, tout du moins des jardins en…terrasses. Ces jardins de Ninive étaient irrigués au moyen de machines élévatrices. Est né cette terrible confusion ensuite, parmi les auteurs, les voyageurs, entre « les jardins suspendus de Babylone » et les jardins construits en terrasse de Ninive.

A noter que pour irriguer ces jardins en terrasses, dans Ninive, le roi Sennacherib avait fait capter les eaux du mont Musri et de la rivière Pulpullia, privant respectivement Dûr-Sarrukîn et Kalhu d'une partie de leurs ressources. Ces habitants furent dédommagés par le don de lots de terres aux environs de Ninive, et, évidemment, des jardins privés formèrent une ceinture autour de Ninive bien vite, venant compléter les parcs royaux. Les fouilles archéologiques de Ninive avaient eu lieu de 1842 à 1932.

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