Oshii et Miyazaki, deux maîtres de la japanimation face-à-face !
Versus
Mamoru Oshii reste l’antithèse de Hayao Miyazaki. Il est un formidable essayiste de la forme, quand Miyazaki crée son fond de scénario de toutes pièces tout en animant son film. Avalon était tout comme Ghost in the Shell énigmatique au plan scénario, voire intemporel. Tandis que Miyazaki parvient à faire croire que ses mondes pleins de poésie et magie sont temporels, réels et palpables, grâce à un envoûtement et une mise en symbiose des cinq sens du spectateur (chez Miyazaki on tutoie le rêve, voire les passions enfantines, qui associent tous les sens dans des mirages confondant la réalité).
Deux styles différents, dont le second, plus discret et moins grave, mérite plus de respect. La violence de Ghost in the Shell n’a pas assez de sens, même pour le public adulte qu’elle tend exclusivement à viser. Il faut toujours donner un sens à la violence morale et physique, ou alors ne rien faire, dans le milieu de l’animation. Au milieu d’un scénario qui semble effroyablement lointain, pour nous humains, Oshii fait gicler du sang, fait tomber des têtes dont on se fout de leur mort. Oshii met en scène une société totalement inhumaine, pire encore, totalement sous l’empire des machines ou cyborgs. Au sein de la japanimation, le violent et le froid technoïdiens de Oshii sont le complément de la rêverie et la tendresse divines de Miyazaki.
Selon deux chemins contraires, Oshii traite du crépuscule de l’homme, quand Miyazaki traite des origines de l’homme. Les deux sont dans l’abstrait, même si au grand damne de Oshii, celui-ci enveloppe cette abstraction d’une terrible réalité, glaciale, morbide. Une ère où les machines remplacent l’homme chez Oshii. Un rêve éveillé propice à tous les espoirs chez Miyazaki.
Décidément, Miyazaki reste pour moi le maître absolu en matière d’animation, car c’est justement là, la case la plus porteuse en matière de rêveries et d’espoir. Il n’y a rien de plus mortel qu’un enfant à qui on aurait retiré toute possibilité de rêver. Depuis Ghost in the Shell, Oshii s’est malheureusement abonné au festival de Cannes, et semble s’efforcer de jouer la carte de la révolution du pixel plutôt que celle du fond. D’où un avis commun venant des différents jurys de Cannes : c’est une curiosité ! On l’imaginerait à moins sur leur grand écran, et leur fauteuil confortable !